Mieux comprendre la psychosynthèse

Branche de la psychologie, méthode thérapeutique ou de connaissance de soi, qu’est exactement la psychosynthèse ? Découvrez son origine, son fonctionnement et ses bénéfices dans cet article de Dominique Garnier. 

Origine et définition

La psychosynthèse, en quelques lignes

C’est une approche globale de la personnalité, avec la prise en compte de toutes ses potentialités évolutives dans le cadre d’un épanouissement le plus harmonieux possible.

Elle permet une plus grande connaissance de soi favorisant un mieux-être, ainsi qu’une plus grande qualité de la vie relationnelle, avec des capacités accrues pour appréhender  les situations de la vie quotidienne et ses difficultés dans différents domaines : professionnels, personnels, familiaux, sociaux…

Domaines d’application et public concerné

La psychosynthèse s’adresse à :
* Toute personne motivée pour un mieux-être, par une meilleure connaissance des composantes de la personnalité et de son potentiel évolutif.
* Tous les professionnels qui veulent appliquer la psychosynthèse dans leurs domaines de compétences : développement personnel, relation d’aide, formation, thérapie, éducation… 

Historique et spécificités

Son fondateur, Roberto Assagioli (1888-1974), psychiatre italien collaborateur de Freud et Jung, a contribué à l’introduction et au développement de la psychanalyse en Italie, au début du siècle dernier. Puis, il a créé sa propre conception de l’appareil psychique, tout en intégrant les apports freudiens, ainsi que l’inconscient collectif de Jung. Mais en allant au-delà par l’introduction, notamment, d’une instance psychique qu’il a appelé l’inconscient supérieur.

A Rome, il a été à l’origine, en 1926, du premier Institut de Psychosynthèse. Cette conception « intégrale et dynamique de l’être humain » comme il l’a définie, se caractérise par :
* un  champ d’investigation du psychisme le plus large possible avec sa dimension corporelle.
* la conception d’un processus à partir duquel les investigations et les changements souhaités peuvent être effectués à l’aide de nombreuses techniques actives.

La spécificité conceptuelle et méthodologique de cette théorie fut à l’origine d’un très important développement au niveau international. Il existe actuellement de nombreux instituts de Psychosynthèse  dans le monde. Celui de Paris a été créé en 1970, à la demande de R. Assagioli, par Suzanne Nouvion et Jacqueline Marie de Chevron Villette.

Conception, méthode et techniques

Une approche des différents aspects de la personnalité

R. Assagioli a eu pour objectif une approche holistique de la personnalité, avec tous les apports théoriques qui lui furent nécessaires. Il s’agit de ceux de  la psychanalyse, de la psychopathologie, ainsi que de la psychologie humaniste de A.H. Maslow, de la logothérapie de V. Frankl avec, notamment, l’importance du sens donné aux événements de sa vie, du rêve éveillé de R. Desoille, d’A. Adler et de bien d’autres… Son fondateur ne voulait aucun dogmatisme, ni aucune orthodoxie quelle qu’elle soit concernant la psychosynthèse.

Il a élaboré un modèle structurel (diagramme de l’œuf) ainsi qu’un modèle fonctionnel (schéma de l’étoile), et a défini les « principes et techniques » à partir desquels l’on peut, prétendument, mettre en œuvre un processus en psychosynthèse dans le domaine d’intervention envisagé.

Le « je », centre de la conscience et de la volonté

En psychosynthèse, deux schémas représentent les modèles de la personnalité : le schéma structurel (dit « de l’oeuf ») et le schéma fonctionnel (« de l’étoile).

Modèle structurel

Il s’agit d’explorer autant que possible les différents niveaux de l’inconscient inférieur (1) (instinctif ou pulsionnel), du pré-conscient ou inconscient moyen (2) (lieu d’éléments psychiques facilement accessibles et de l’élaboration des expériences vécues), du champ de la conscience (4) ( lieu de différents contenus : images, sentiments, pensées…), du je personnel centre de la conscience et de la volonté (5), ainsi que ceux l’inconscient supérieur (3) (lieu des inspirations d’ordre supérieur) et de l’inconscient collectif (7) (les limites en pointillé indiquent un processus d’ « osmose psychique » avec l’environnement).

Modèle fonctionnel

Les six fonctions du schéma de l’étoile sont polarisées entre elles et complémentaires.

C’est à partir du « je » (moi conscient ou soi personnel) qu’il est possible de constater que différents contenus dans le champ de la conscience : images, sentiments, pensées, sensations…, peuvent y apparaître, s’y succéder voire coexister. C’est la capacité d’auto-observation qui donne la possibilité d’une distanciation intérieure par rapport aux différents contenus du champ de la conscience. Ils dépendent des sphères affectives, émotionnelles et réflexives de la personnalité.

L’auto-observation, un moyen de prise de distance intérieure

Cette possibilité de prise de distance intérieure avec l’auto-observation, donne ainsi les moyens de « doser sa spontanéité », lorsque c’est nécessaire, selon les situations et les objectifs recherchés. En effet, la spontanéité qui est en lien avec l’authenticité, peut être utile ou néfaste, selon les situations rencontrées.

La technique de la désidentification consiste à proposer des exercices ayant pour but de ne pas s’identifier à telle ou telle émotion éprouvée. Par exemple, au cours d’exercices de visualisations, il peut être proposé, selon les besoins et choix effectués, d’imaginer des situations professionnelles engendrant un ressenti d’agressivité. En se disant intérieurement : «  Je ressens de l’agressivité, mais je ne suis pas cette agressivité, je ne m’y identifie pas !», la possibilité de ne pas s’identifier à ce ressenti est alors facilitée, en évitant, ipso facto, toutes les conséquences négatives.

L’utilisation des techniques actives s’inscrit complémentairement et en accord avec les participants, à recherche et à l’étude, selon les possibilités, de ce qui est à l’origine de certaines attitudes et comportements. Mais chacun doit pouvoir évoluer à son rythme et selon ses choix, dans le respect de ce qu’il veut aborder ou non, de son histoire personnelle et de son vécu.  

Des techniques actives qui favorisent un évolution positive

Dans le cadre des techniques actives, celle du modèle idéal permet de se représenter avec les qualités que l’on voudrait détenir. Par exemple, quelqu’un qui appréhende de prendre la parole en public, peut essayer de rechercher l’origine de cette difficulté dans son histoire personnelle et/ou s’imaginer dans ce rôle avec les qualités requises, à l’aide d’exercices proposés, en établissant un  modèle idéal accessible. Des exercices de visualisations, des jeux de rôle adaptés sont des moyens d’atteindre les objectifs mis en place.

Beaucoup d’autres techniques actives sont utilisées comme : les dessins libres, les mots inducteurs, les associations libres,  les affinements des perceptions sensorielles, les techniques de relaxation, l’utilisation des symboles, les exercices évoquant la sérénité, les exercices de méditation réflexive…

Elles sont nécessaires comme moyens d’investigation des composantes de la personnalité, dans leur dimension plus ou moins inconsciente et consciente; dans le but de définir les aspects pour lesquels une évolution positive est souhaitable.

Être acteur de son évolution

C’est pourquoi les amendements à apporter comme par exemple: développer ses qualités d’écoute, avoir plus de  patience, bien occuper la place de son rôle professionnel, gérer le stress de la prise de parole en public, prendre le recul nécessaire dans des  situations difficiles, établir les objectifs de différents projets avec cohérence et réalisme…  s’élaborent et se mettent en œuvre, dans le cadre de ce qui est appelé le processus de la psychosynthèse.

En effet, c’est à partir du moi-conscient ou « je », centre unificateur, que ces « changements en mieux » peuvent être articulés complémentairement et le plus harmonieusement possible.  Mais, de surcroît, cette instance psychique qu’est le moi-conscient peut disposer d’une énergie volitive. Elle permet, après avoir pris conscience des objectifs à atteindre, en lien aussi avec les motivations, la réalité de la situation, ainsi que les valeurs établies ; de mettre en œuvre les choix effectués.

La métaphore du voilier illustre bien cette conception d’une volonté non victorienne, puisque dans cet exemple, le bateau utilise les vents et les courants de la mer pour arriver à sa destination.

Ainsi, les moyens de devenir acteur de son évolution sont proposés conjointement et en cohérence avec la sphère motivationnelle et l’ensemble des progrès à effectuer.

Parmi les moyens, celui de  la technique pour développer l’énergie volitive  consiste à :
* choisir le but à atteindre (quel est l’objectif qui motive ?), délibération (est-ce réalisable ?),
* décider (faire un choix à assumer),
*affirmer (rechercher tout ce qui confirme que la décision est nécessaire),
* programmer (c’est le plan d’actions avec les moyens à mettre en œuvre),
*diriger l’exécution (c’est une mise en œuvre, avec la coordination des différentes fonctions psychologiques,  nécessaires à l’atteinte des objectifs à l’aide de stratégies).

Complexes, polarités : mieux les connaître pour mieux les faire évoluer

Dans d’autres domaines comme celui des rôles et des comportements, nous nous apercevons qu’il est possible d’observer, par exemple :
*qu’en fonction des situations, une même personne peut adopter des rôles différents  selon les milieux dans lesquels elle évolue : qu’ils soient familiaux, professionnels, sportifs…
*que des comportements totalement inversés peuvent avoir lieu (ex : style autoritaire au travail et laisser-aller en famille).
* etc.

Certaines attitudes, certains rôles peuvent être en lien avec ce qui est qualifié de complexes en psychanalyse (ex : complexe d’infériorité). Ils sont  dénommés en psychosynthèse: subpersonnalités, personnalités parcellaires ou secondaires.

Les complexes trouvent leur origine dans le développement psycho-affectif. Ils sont inhérents aux relations interpersonnelles du contexte familial de l’enfance et de l’adolescence. Les comportements, les attitudes, les émotions en sont issus et en dépendent, jusqu’à ce qu’un travail sur soi, puisse permette, dans la mesure du possible, d’en connaître les causes, afin de les faire évoluer  positivement…

Les polarités (ex: intuition et logique, pessimisme et optimisme, masculinité et féminité, actif-passif…) avec l’ambivalence et les conflits intérieurs sont étudiés pour une meilleure connaissance de soi favorisant un mieux-être. Faire une synthèse des polarités par une union des contraires est possible. Elle peut être effectuée avec un travail de réflexion sur les qualités opposées.

En effet, en restant conscient des deux pôles, sans s’identifier plus à l’un ou l’autre avec un exercice adapté, un équilibre, par une interaction positive réfléchie entre les deux contraires peut amener à découvrir une nouvelle qualité qui illustre le principe de la non-sommativité : «  Le tout est plus grand que la somme des parties ». Par exemple, pour ce qui concerne le couple actif-passif, une réflexion sur les avantages et inconvénients de chaque opposé, permet de discerner leurs qualités et leurs défauts et de dégager ainsi une nouvelle qualité.

Ce n’est pas sans nous rappeler aussi la dialectique hégélienne résumée avec cette phrase: « la vérité ne se trouve ni dans la thèse, ni dans l’antithèse mais dans une synthèse naissante qui les réconcilie ».

L’inconscient supérieur et la synthèse des contraires

 C’est au niveau de l’inconscient supérieur (ou supraconscient), tel que l’a défini R.Assagioli, que s’opère la synthèse des contraires. En effet, dans  sa conception R. Assagioli a défini l’inconscient  supérieur et émis le postulat d’une énergie potentielle liée à une dimension transpersonnelle. Cette dimension a pour contenu toutes les qualités et inspirations d’ordre supérieur, éminemment positives dans leur essence et sources de sagesse, dans différents domaines : éthiques, humanitaires, esthétiques,  philosophiques, scientifiques, artistiques avec tout le symbolisme qui peut s’en dégager… Mais aussi, sont concernés l’émergence des capacités créatrices, les élans altruistes, la méditation réflexive, le besoin pour certains de rechercher une réponse au mystère existentiel, un sens à la vie à différents niveaux : philosophiques, religieux…

 Le terme spirituel est synonyme de transpersonnel en psychosynthèse, dans la mesure où il recouvre les mêmes activités et contenus que celui du domaine transpersonnel sus-évoqué.

Il est important de préciser qu’un parcours en psychosynthèse ne fait que réaffirmer et développer la liberté de chacun, quant à ses choix ou non choix dans tous les domaines abordés, en proposant des moyens pour être acteur et responsable de son cheminement intérieur.

Afin d’articuler complémentairement l’ensemble de l’appareil psychique, R. Assagioli a adjoint dans un tout cohérent et défini, un  moi supérieur, appelé aussi Soi ( 6 du diagramme de l’œuf), relié au moi conscient – je (pouvant être aussi nommé soi) évoqué  précédemment. Le moi supérieur se situe au-dessus du moi conscient-je avec une ligne en pointillé, bien qu’ils soient indissolublement liés. Cette apparente séparation dans la représentation graphique du « diagramme de l’œuf » n’en est pas une. Ces deux appellations représentent le même centre de conscience qui permet d’observer, de s’auto-observer et de diriger la mise en œuvre des projets et des  actions. Nous assistons ainsi à la complémentarité indissociable des différentes instances l’appareil psychique. Ce qui  diffère, c’est le niveau d’appréhension par un élargissement du champ de conscience avec la dimension de l’inconscient supérieur. Les possibilités d’observation du moi conscient peuvent donc s’en trouver accrues, tant sur le plan intérieur, que celui des possibilités d’observer le monde environnant.

Pour ce qui concerne les activités de l’inconscient supérieur, les origines énergétiques semblent diversifiées et peuvent provenir des  mécanismes de type sublimatoire (d’origine pulsionnelle), de la transmutation, de l’abréaction, de la catharsis, du travail sur les symboles, de la résolution de conflits, de l’énergie potentielle liée aux qualités transpersonnelles (postulat de R.Assagioli cité précédemment).

Progresser harmonieusement à tous les niveaux de l’être

En conclusion, nous venons d’aborder  les principaux aspects de la psychosynthèse, de ce qui fait sa spécificité et son opérationnalité. Elle permet à la fois d’explorer, autant que possible, l’inconscient avec ses différentes instances ; mais aussi et concomitamment, de progresser intérieurement vers un mieux-être, avec une meilleure connaissance de soi et des autres.

Elle a aussi cette particularité de  «  tirer vers le haut » en  dégageant le positif et en proposant d’accompagner vers un futur réalisable tout en vivant pleinement le présent, autant qu’il est possible et souhaitable. Elle est dynamique, et donne les moyens de progresser harmonieusement à tous les niveaux de l’être.

Article rédigé par Dominique GARNIER, psychologue clinicien, docteur en psychopathologie clinique et psychanalyse, directeur certifié de l’EHESP, praticien en psychosynthèse