Qu’est-ce qu’est la Psychosynthèse ? Résonances avec les nouveaux courants psychologiques

Par Vincent Claessens

La Psychosynthèse a été fondée au début du 20ème siècle par le Dr. Roberto Assagioli, psychiatre et psychanalyste italien. Percevant les limites conceptuelles de la psychanalyse, il a développé sa propre méthode basée sur sa conception de la psyché en trois niveaux : l’inconscient inférieur, moyen et supra-conscient.

🫱 Outre l’apport original de cette conception de la psyché, il y a sept thèmes principaux qui caractérisent la psychosynthèse dont le thème des subpersonnalités. C’est une découverte importante pour la psychologie que Roberto Assagioli a réalisé en mettant l’accent sur le fait que la personnalité est fondamentalement divisée, et que l’unité et l’harmonie psychologique s’acquièrent au prix d’un développement conscient et d’un effort de synthèse.

Il existe bien un moi central, mais il y a aussi de nombreux « petits moi » qui gravitent autour du noyau de la psyché, autant de parties qui expliquent nos conflits intérieurs et nos contradictions. Les subpersonnalités sont nos personnages intérieurs qui s’expriment dans différents rôles selon les circonstances et le milieu. On les appelle aussi les « personnalités secondaires ».

Pour être plus précis, ajoutons ici la définition de Piero Ferrucci, qui fut l’élève d’Assagioli :

« Les subpersonnalités sont des satellites psychologiques consistant comme une multitude de vies à l’intérieur du medium global de notre personnalité. Chaque subpersonnalité a son style propre et sa propre motivation, souvent remarquablement différents de ceux des autres. Chacun de nous est multiple. Il peut y avoir le rebelle et l’intellectuel, la séductrice et la maîtresse de maison, le saboteur et l’esthète, l’organisateur et le bon vivant, chacun ayant sa propre mythologie et tous plus ou moins confortablement réunis dans une même personne… » (Ferrucci, La psychosynthèse, p. 51)

🫱 Avant Assagioli, William James, philosophe américain du 19ème siècle, avait déjà observé l’existence de différents « mois » au sein d’une même personne et il avait développé l’idée de « various selves ». Assagioli a eu le mérite de développer ce concept dans le champ de la psychologie, naissante à cette époque, et d’expliquer son fonctionnement à partir de sa conception nouvelle de la psyché.

Dans mon livre « La mosaïque de l’Être », j’ai proposé quelques lois qui régissent le fonctionnement des subpersonnalités, dont la Loi 4 : Une subpersonnalité correspond à un schéma émotionnel.

La théorie des schémas n’est pas propre à la psychosynthèse (elle a été développée plus tard), mais elle correspond bien à cette réalité psychique : « A chaque subpersonnalité est associé un certain type de comportement, d’attitude, de sentiment et de mécanisme de défense. Cela constitue ce qu’on appelle un schéma émotionnel (ou Pattern.) Il structure nos relations intra-psychologiques et lorsqu’il reste inconscient, il conditionne nos relations aux autres. » (p.52)

🫱 Ces différents systèmes relationnels ont été décrits par Carl Rogers et aussi par le Dr Jeffrey Young, fondateur du Centre de thérapie cognitive de New York. Les schémas émotionnels sont très bien expliqués dans le livre « Relation d’aide et amour de soi » de Colette Portelance (2007) et aussi dans « L’alchimie des émotions » de Tara-Bennett-Goleman (2002). On peut les découvrir par divers exercices d’observation de soi comme la revue du soir. L’exercice du jeu de rôle est particulièrement intéressant à ce sujet puisqu’il nous permet d’incarner une subpersonnalité dans une situation de groupe et d’observer ensuite toute la dynamique psychologique qui est en jeu. De plus, il est aussi possible individuellement d’évoquer un souvenir d’une situation relationnelle et de l’illustrer ensuite de façon symbolique grâce au pouvoir de l’imagination.

Tout ceci nous montre les liens d’affinité entre diverses méthodes : Entre la psychosynthèse et la psychologie humaniste apparue dans les années 1950, et la théorie des schémas émotionnels développées dans les années 1990, dernière avancée de la psychologie cognitive.

Par ailleurs le concept de subpersonnalité est au fondement de la technique du Voice Dialogue développée par Hal et Sidra Stone dans les années 1970-80.

🫱 Et ensuite dans les années 1990, le psychothérapeute Richard Schwartz a développé son propre système, à partir de l’observation empirique de ses patients, pour expliquer les interactions des subpersonnalités au sien de l’individu. Il a appelé cette méthode Internal Family Systems (IFS), ou modèle de thérapie du système familial intérieur. S’appuyant sur son expérience en thérapie familiale, il a observé que les subpersonnalités fonctionnaient entre elles comme une « famille intérieure ». Il a discerné trois groupes principaux : Les Exilés (ces parties sensibles et fortement chargées émotionnellement qui sont refoulées dans l’inconscient), les Managers (les parties protectrices du système qui veillent à son fonctionnement normal et efficace), et les Pompiers (les subpersonnalités qui interviennent d’urgence lorsque les Exilés s’expriment vivement et perturbent l’équilibre de la personnalité.)

Ce bref article nous a donc montré que la psychosynthèse, approche apparue au fondement de la psychologie, résonne encore aujourd’hui dans de nouveaux courants thérapeutiques, innovants dans leur pratique, mais non sur le fond théorique puisque le concept de subpersonnalités (quel que soit le nom qu’on lui donne aujourd’hui) a été développé il y a plus d’un siècle.